Soutien à Camille Zimmermann et à toutes les personnes subissant du harcèlement dans le cadre universitaire ou dans l’enseignement supérieur

Le 07 septembre 2020, dans un long message posté sur Facebook (https://www.facebook.com/camille.l.zimmermann/posts/10158876898072147 ; repris sur Medium), Camille Zimmermann dénonçait le harcèlement qu’elle a vécu de la part de son directeur de thèse qui la conduit à abandonner son doctorat. Nous résumons ici très rapidement le témoignage de Camille et en en citant quelques extraits, mais nous vous encourageons vivement à aller lire l’ensemble de son texte accessible en ligne. Nous avertissons les lecteur.rice.s que le témoignage de Camille, comme celui qui va suivre, fait mention de harcèlement et de suicide.

La rencontre entre Camille et son directeur a lieu durant la L3 de la jeune femme. Le professeur lui montre de l’intérêt et une accointance commence alors, constituée d’échanges oraux et écrits. La plupart des personnes qui ont été sur les bancs d’une université et subi la pression de l’enseignement supérieur, savent à quel point la reconnaissance d’un.e enseignant.e peut être précieuse. La position de pouvoir et le capital social et culturel que celles/ceux-ci possèdent les placent dans une situation de pouvoir vis-à-vis des étudiant.e.s. Les enseignant.e.s doivent ainsi être vigilant.e.s à demeurer dans le cadre d’une relation universitaire appropriée avec leurs étudiant.e.s.

Petit à petit la relation entre Camille et son futur directeur de thèse devient de plus en plus lourde pour elle. Le professeur lui fait des remarques en public, essaye de l’isoler de certain.e.s de ses ami.e.s universitaires. « Très vite, le prix à payer augmente. Le chantage affectif, les gestes ou propos hors limites que vous acceptez néanmoins tôt ou tard, la perspective d’être abandonnée étant bien plus terrible que celle de céder à la fin d’une scène durant laquelle on vous a reproché de dire non à une main un peu trop baladeuse, de mettre une photo de profil vous représentant avec votre conjoint, ou encore de prétendre boire un verre avec vos camarades à la fin des cours alors qu’il avait prévu ce créneau chaque semaine spécialement pour vous. »

Camille finit par prendre de la distance, mais s’inscrit quand même en thèse avec cet homme, persuadée qu’elle n’obtiendra de toute façon pas de bourse ailleurs « […] j’étais persuadée que c’était avec lui ou pas du tout – il avait tout fait pour construire cette certitude –, et j’avais travaillé si dur pour avoir des résultats excellents et des chances optimales d’obtenir ce contrat doctoral ». À partir de ce moment, son directeur l’ignore, la rabaisse et lui fait subir un harcèlement moral qui la pousse à arrêter sa thèse après trois années de recherche. Durant ces trois années de doctorat, elle rencontre une autre thésarde de son DR qui subit aussi un harcèlement de la part de celui-ci. Celle-ci mettra fin à ses jours.

L’histoire de Camille résonne pour beaucoup d’entre nous. Combien de fois, en tant qu’étudiant.e.s, en tant que jeunes chercheur.se.s avons-nous entendu parler, avons-nous assisté, avons-nous subi une situation similaire ? Ces situations sont courantes et, pire que tout, elles sont connues de tous et de toutes. Mais les tentatives pour en parler, pour faire surgir au grand jour les affaires, sont presque toujours étouffées dans l’œuf. Les membres de l’éducation supérieure et de la recherche se protègent entre eux par ignorance de la réalité du harcèlement, par amitié pour les coupables ou par carriérisme. Cela n’a déjà que trop duré.

Ainsi La Brèche en tant que collectif, et les personnes ayant signé cette lettre en leur nom propre, affirment tout leur soutien à Camille Zimmermann et à toute personne qui subit du harcèlement dans le milieu universitaire.

Quand l’association s’est créée, nous avons élaboré une charte des bons comportements dont nous aimerions rappeler les deux points suivants :

  1.       La Brèche a pour vocation de promouvoir la recherche en bande dessinée sous toutes ses formes, et particulièrement la recherche émergente, portée par de jeunes chercheur∙se∙s. L’association refuse donc d’opérer une hiérarchisation de la recherche. Ni l’âge ni les positions universitaires et sociales ne donnent aux membres de la Brèche une position d’autorité sur les autres membres. Les chercheur∙se∙s de la Brèche s’engagent à partager et à s’écouter en se respectant d’égal·e à égal·e.
  2.       Les membres de la Brèche s’engagent à respecter la déontologie universitaire. Elles et ils […] encadrent avec bienveillance leurs étudiant·e·s pour les membres concerné·e·s, refusent des pratiques discriminatoires quelles qu’elles soient et refusent des pratiques de harcèlement.

Nous sommes, dans l’association, majoritairement des jeunes chercheur.se.s qui vont, pour certain.e.s, continuer leur carrière dans le milieu universitaire. Nous nous engageons à ne JAMAIS utiliser une position de pouvoir que notre statut nous offre, pour faire subir du harcèlement à autrui. Nous nous engageons aussi à REFUSER de fermer les yeux sur les pratiques de nos collègues et autres membres de l’enseignement supérieur et de la recherche. Nous écouterons celles et ceux qui parlent et nous les accompagnerons pour que de tels comportements ne restent plus impunis. C’est seulement à ces conditions que nous pourrons construire un meilleur avenir pour nos établissements d’enseignement supérieur et nos universités.

La Brèche, association de Recherche en Bande Dessinée

Maaheen Ahmed, professeure associée

Louise Aleksiejew, artiste plasticienne

Jean-Charles Andrieu de Levis, docteur en Langue française

Lorenz Antognini, artiste

Julien Baudry, docteur et bibliothécaire

Romain Becker, doctorant en Études germaniques

Sophie Bonadè, doctrice en Langues étrangères appliquées

Giorgio Busi Rizzi, chercheur postdoctoral

Elsa Caboche, docteure en Littérature comparée

Laura Caraballo, chercheuse et commissaire d’exposition

Olivier Crépin, doctorant en Littérature comparée, auteur et éditeur

Benoît Crucifix, chercheur postdoctoral

Norbert Danysz, jeune chercheur

Pierre-Laurent Daures, auteur et enseignant de Bande dessinée

Blanche Delaborde, doctrice

Anne Grand d’Esnon, doctorante en Littérature comparée

Laurent Gerbier, MCF HDR en Philosophie

Fanny Geuzaine, doctorante en Littérature anglaise, FNRS

Lolita Graziosi, doctorante en sociologie au LERSEM

Marys Hertiman, chercheuse-doctorante, enseignante

Louise Jambou, enseignante

Jessica Kohn, docteure et enseignante en Histoire.

Nicolas Labarre, MCF HDR

Sébastien Laffage-Cosnier, MCF HDR

Irène Le Roy Ladurie, doctorante et enseignante

Sylvain Lesage, MCF en Histoire

Isabelle Licari-Guillaume, MCF

Côme Martin, enseignant

Marin Martinie, doctorant en Arts

Agatha Mohring, docteure en études hispaniques et hispano-américaines

Pierre Nocérino, doctorant

Raphaël Oesterlé, doctorant en Histoire et esthétique du cinéma

Morgane Parisi, dessinatrice et intervenante en école d’art

Benoît Preteseille, auteur, éditeur, enseignant, docteur en Bande dessinée

Maël Rannou, bibliothécaire et doctorant

Mélissa Rivière, doctorante en Histoire

Johanna Schipper, autrice de BD et professeure d’enseignement artistique

Maëlys Tirehote-Corbin, doctorante assistante diplômée

Siegfried Würtz, doctorant en Littérature comparée